L’union des Artistes Modernes, appelée communément L’UAM, est un mouvement initié en 1929 par des artistes décorateurs et architectes avant-gardistes de l’époque. Ce mouvement est resté ancré dans l’histoire de l’architecture et du design car il permit à toute une génération de créateurs d’émerger et d’insuffler de nouvelles idées théoriques et pratiques.
Bien souvent, des mouvements/courants artistiques s’érigent en réaction à des pratiques antérieures, ce qui est le cas de l’UAM et nous en expliquerons les raisons. Populaire dans les années 1930, l’influence de l’UAM va progressivement décroître dans les années d’après-guerre, avec le décès de son premier président et figure éminente de l’architecture française des années 20 et 30 : Robert Mallet-Stevens (1886-1945).
L’exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes se tient à Paris d'avril à octobre 1925. C’est un événement qui marque son époque, des milliers de visiteurs vont se presser chaque jour pour découvrir durant 6 mois l’architecture des différents pavillons internationaux et celle des régions françaises, ainsi que les toutes dernières tendances du mobilier. La manifestation voit la consécration du style architecturale Art déco, lancé avant la Première Guerre Mondiale en réaction aux lignes courbes et ornementations chargées, directement inspirées des formes organiques (arbres, fleurs, insectes, animaux) du style Art nouveau.
Le style Art déco tranche avec son prédécesseur l’Art nouveau, et censure la fantaisie. Il revient à une certaine rigueur classique, recherche la symétrie dans les espaces, emploie avec parcimonie la pierre de taille, accorde au décor une importance, mais toujours avec sobriété.
Face au succès de l’Art déco, l’avant-garde internationale a du mal à exister. Elle se signale à travers le pavillon russe dessiné par Constantin Melnikov, le Pavillon de l'Esprit nouveau porté par le très audacieux Le Corbusier, et enfin le Pavillon du tourisme de Robert Mallet-Stevens avec son emblématique campanile qui pousse l’Art déco vers encore plus de géométrie.
Si l’événement marque le triomphe du style architectural Art déco avec en vedette le décorateur Jacques-Emile Ruhlmann (1879-1933), l’avant-garde architecturale pointe déjà, un peu, le bout de son nez. La France, parce qu’elle est un pays attaché à l’ébénisterie et aux matériaux haut de gamme, n’est pas encore réceptive au modernisme prêché à l’Ecole du Bauhaus, dans le mouvement hollandais De Stijl, ou encore dans le constructivisme des pays de l’Est.
Le schisme entre les tenants de l’Art déco, membres du courant de la Société des artistes décorateurs, et les tenants d’une architecture avant-gardiste, arrive finalement en 1929. Face au succès des architectes-décorateurs Charlotte Perriand (1903-1999), René Herbst (1891-1982) et Georges Bourgeois dit Djo-Bourgeois (1898-1937) qui ont présenté au Salon des artistes décorateurs de 1928 un appartement modèle dédié à la création industrielle, la Société des artistes décorateurs, effrayée, refuse d’exposer à nouveau cette avant-garde qui va trop loin à leur goût… Cet événement signe la naissance, en 1929, de l’Union des Artistes Modernes.
Qui sont-ils et que veulent-ils ? Les membres fondateurs sont Robert Mallet-Stevens, Charlotte Perriand, René Herbst (1891-1982), Francis Jourdain, Sonia Delaunay, Jean Prouvé, Eileen Gray, Jacques Le Chevallier, Jean Fouquet, Gérard Sandoz, Jean Puiforcat et Hélène Henry. Ils ont en commun de vouloir faire sauter les barrières entre les disciplines, veulent lutter contre le classicisme et la tradition, et surtout faire évoluer le cadre de vie avec la modernité et le rationalisme.
Ils donnent aussi une dimension sociale au mouvement. Ils veulent que les objets issus de la collaboration entre artistes et artisans soient de qualité, produits en série, et à prix abordables pour en finir avec l’élitisme de l’Art déco, réservé aux plus fortunés.
Robert Mallet- Stevens est la figure centrale du mouvement. Proche des mouvements avant-gardistes, l’architecte a déjà appliqué dans les années 20 les concepts rationnels, y compris dans le mobilier, privilégiant la fonction et la structure à la forme, rejetant l’ornementation au profit de matériaux nouveaux comme le métal ou encore l’acier.
Mais le grand chef-d’œuvre de Mallet-Stevens, celui qui synthétise les aspirations de l’UAM à emprunter les chemins de l’architecture moderne, est la réalisation de la Villa Cavrois (1929-1932) et son mobilier, quelques années après celle de la Villa Noailles (1923-1925), une des premières constructions françaises du style moderne.
L’UAM organise son exposition inaugurale du 11 juin au 14 juillet 1930, au Musée des Arts Décoratifs de Paris. En 1934, en réponse à ses détracteurs, l’UAM publie un manifeste, intitulé : Pour l’art moderne, cadre de la vie contemporaine et réaffirme ses principes fondateurs. On reproche au mouvement « l’aridité des formes » et la pauvreté des matériaux employés.
En 1937, l’UAM érige son pavillon à l’occasion de l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne. Mais au lendemain de la seconde guerre mondiale, avec le décès de son président « historique », Robert Mallet-Stevens, l’UAM perd de son influence. Les multiples projets liés à la reconstruction du pays nuisent à l’action collective et la bataille contre « les anciens » est terminée.
René Herbst, son nouveau président, tente bien de réactiver le mouvement vers la fin des années 40 et l’exposition Formes utiles. Objets de notre temps au pavillon de Marsan (1949-1950). Jusqu’à sa dissolution finale en 1958, l’UAM présente chaque année au SAM (Salon des Arts Ménagers) une sélection d’objets industriels. Désormais, les talents les plus prometteurs du design se retrouvent au sein de l'Association des créateurs de modèles de série (ACMS).
Si le collectif de l’UAM a insufflé les idées novatrices du Bauhaus dans les années 20, 30 et 40, au plus fort de son activisme, se faisant le chantre de l’architecture moderne et d’un mobilier rationnel, on peut cependant lui reprocher de n’avoir pu démocratiser ses créations par la production en série. Les pièces de ces époques sont restées chères et font le bonheur actuel des collectionneurs.
François Boutard