Depuis 1968, la ville de Vallauris, dans les Alpes-Maritimes, accueille la Biennale Internationale de Céramique d’Art. Une occasion pour les aficionados de cet art préhistorique de découvrir des créations venues des 4 coins du monde. Comment Vallauris est-elle devenue un nom et une référence dans l’histoire de la céramique ? C’est ce que nous proposons de vous raconter, des origines de la céramique artistique à Vallauris, à l’âge d’or des années 50, marquées par la présence du grand maître Pablo Picasso.

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Avant de devenir l’épicentre de la céramique moderne dans les années 50, comment expliquer l’attraction qu’exerça Vallauris auprès des artistes et plasticiens qui vinrent y séjourner ou s’y installer ? Tout d’abord, Vallauris est réputée pour la qualité de l’argile contenue dans ses sols. Ainsi, les potiers gallo-romains se rendaient jusqu’à Vallauris pour récupérer la matière première. Par la suite, la ville accueille au XVIe siècle 70 familles des environs de Gênes qui viennent repeupler le village dévasté par la peste ; parmi ces familles, il y a des potiers...
Si Vallauris devient la capitale de la céramique artistique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il y avait déjà eu une production locale pour développer et vendre une poterie dont l’usage n’est plus seulement culinaire, mais aussi artistique. On doit cet essor à la famille Massier, une dynastie locale de céramistes qui fonde au XVIIe siècle une des premières fabriques de terres cuites de la ville. Au tournant du XXe siècle, sous l’impulsion de Clément (1844-1917), Delphin (1836-1907) et Jérôme Massier (1820-1909), l’entreprise familiale oriente sa production vers des pièces artistiques. En 1889, Clément Massier reçoit une médaille d’or pour ses vases en céramique à décor irisé, à l’occasion de L'Exposition universelle de Paris.





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La Première Guerre mondiale, puis la dépression économique des années 1930, freinent le développement de la céramique artistique. Seules les poteries culinaires restent présentes à Vallauris. Ce sont les années 50 qui marquent réellement le développement de la céramique d’art avec pour capitale Vallauris. 2 dates sont importantes dans ce développement : la création en 1946 de la 1ère exposition des potiers de Vallauris et l’installation en 1948 de Pablo Picasso dans la cité aux 100 potiers.

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Les initiateurs de cette exposition sont l’Atelier Madoura, fondé en 1938 par Suzanne Ramié (1905-1974), sa fondatrice ; le céramiste André Baud (1903-1986), et l’Atelier Callis, fondé la même année par Robert Picault (1919-2000), Roger Capron (1922-2006) et Jean Derval (1925-2010). Cette nouvelle génération de céramistes s’installe sur place à Vallauris et va dynamiser la céramique d’art avec un langage esthétique renouvelé.
L’atelier Madoura est l’acronyme de « Maison Douly-Ramié », Douly étant le nom de jeune fille de Suzanne Ramié. C’est une personnalité centrale dans l’aventure Vallauris, puisque c’est elle qui initia avec son mari Georges, Pablo Picasso à l’art de la céramique. Dans l’atelier de céramique Madoura, Picasso, déjà célèbre, créera plus de 4.000 pièces. L’atelier Madoura restera l’éditeur exclusif de l’œuvre céramique du célèbre peintre. Suzanne Ramié rompt avec la tradition de la céramique utilitaire et réalise des œuvres aux formes épurées et originales.





Le trio Picault, Capron et Derval est aussi important dans l’histoire de la céramique à Vallauris. Les 3 se sont connus sur les bancs de l’École d’Art Appliqués de Paris. Au cours de leur association qui sera brève, Robert Picault tourne les pièces, décorées ensuite par Roger Capron. Jean Derval est celui qui diffuse la production de l’atelier, notamment au Salon des Artistes Décorateurs. En 1948, Robert Picault quitte l’Atelier Callis pour produire ses propres pièces, avec un certain succès, puisque son atelier vallaurien comprendra jusqu’à 25 personnes. Ces créations sont notamment diffusées dans le grand magasin parisien Primavera.



Après l’expérience Callis, Jean Derval est embauché chez Madoura comme tourneur-décorateur. Son style est considéré par ses pairs comme « humaniste », ses créations empruntent à la mythologie de la Grèce Antique et à l’art sacré. À partir des années 60, il se tourne vers la céramique architecturale. Roger Capron rachète lui en 1952 une poterie désaffectée et réalise des carreaux de faïence, ainsi que des tables. En 1954, c’est la consécration, puisqu’il obtient la médaille d'or à la Xe Triennale de Milan. Par la suite, Roger Capron réalise une brillante carrière industrielle jusqu’en 1982 où sa manufacture dépose le bilan – elle emploie 120 personnes en 1980 -. Capron reçoit le grand prix international de la céramique en 1970.










Arrivé en 1942 à Vallauris, André Baud sera l’un des promoteurs actifs de la céramique valaurienne. Président de l’Association Vallaurienne d’Expansion Céramique (AVEC) de 1959 à 1962, il développe un style très personnel. Ses créations sont reconnaissables au blanc et au noir mat pour l’extérieur, quand l’intérieur est illuminé par des émaux de couleurs vives.




Jusque dans les années 70, la céramique vallaurienne reste dynamique. Elle le doit à des créateurs talentueux et des ateliers restés sur place. Outre Madoura et Callis, citons l’Atelier Le Grand Chêne (Odette Gourju, Ljuba Naumovitch, Jacques Innocenti), Les Archanges (Gilbert Valentin), Le Tryptique (Gilbert Portanier, Albert Diato et Francine Del Pierre), Le Portail (Jean Derval). Certains connaissent d’ailleurs un succès international, comme Gilbert Portanier (1926) qui crée, à partir de 1964, des modèles uniques pour le porcelainier allemand Rosenthal...



