Maison Jansen : Icône glamour de l’ameublement

Le nom JANSEN reste à jamais attaché au savoir-faire français en matière de décoration et d’architecture intérieure. La Maison Jansen a incarné pendant 1 siècle l’élégance française en matière d’ameublement à travers le monde. C’est cette histoire singulière que je vous propose de revivre aujourd’hui, en insistant sur les années « folles » (1920-1970) qui ont fait la renommée de cette prestigieuse entreprise de décoration d’intérieur qui fût parmi les plus influentes du XXème siècle. C’est aussi l’occasion de redécouvrir le travail du décorateur français Stéphane BOUDIN, à qui Maison Jansen doit beaucoup.

Table basse Maison Jansen, opaline noire et piétement en fer noirci et laiton doré, années 50. En tant que Maison d’ameublement et de décoration, la Maison Jansen fabriquait ses propres meubles.
Crédit photo : Design Market

Table basse Maison Jansen, vue de côté, opaline noire et piétement en fer noirci et laiton doré, années 50.
Crédit photo : Design Market

L’histoire de Maison Jansen commence en 1880 lorsque le Duc hollandais Jean-Henri Jansen (1854-1928) fonde à Paris la maison éponyme d’ameublement. À ses débuts, Maison Jansen mêle les styles classiques du passé (XVIIIe et XIXe siècle) aux tendances du moment. Pour le mobilier, elle s’inspire ainsi du style anglo-japonais, du mouvement Arts et Crafts et du style turc. L’entreprise ne possède pas d’ateliers de fabrication, elle récupère des meubles anciens ou passe commande de meubles conçus par des ébénistes.

Maison Jansen se développe au tournant du XXème siècle, son carnet de commandes se remplit avec une réputation internationale. Qui plus est, l’entreprise fabrique désormais elle-même des copies exactes de pièces de mobilier traditionnel et luxueux (design ancien des époques Louis XIV, Louis XVI, Directoire et Empire). Son choix de produire des pièces d’ameublement traditionnel ainsi que du mobilier contemporain s’avère gagnant. L’entreprise a ainsi l’intelligence de travailler avec des artisans contemporains renommés comme les ébénistes François Linke et Joseph Emmanuel Zwiener, et collabore avec le décorateur Art déco Jean-Michel Frank pour livrer à ses clients des pièces uniques.

Bureau Style Régence estampillé François Linke, vers 1890, violette et bois Satiné

Paire de tables de chevet de style Louis XVI montées en bronze doré, réalisation Joseph Emmanuel Zwiener pour Maison Jansen, fin XIXe.

Bureau en bois sculpté de style néoclassique moderne français sur-mesure, réalisation Jean-Michel Frank. Un modèle similaire a été conçu par Jean-Michel Frank pour Maison Jansen dans les années 1930.

Alors que l’Art déco perce en France, la Maison Jansen a déjà acquis une réputation internationale. 3 caractéristiques marquent cette maison spécialisée dans la décoration d’intérieure. Elle maitrise d’abord l’ensemble de la chaîne globale de production et d’ameublement : de la conception des meubles (dessin) jusqu’à l’aménagement global de salles, villas, palais, en passant par leur fabrication. C’est la 1ère entreprise de design à avoir fait de son nom une marque. Enfin, c’est la 1ère entreprise de design mondiale.

Maison Jansen, enfilade Art déco.

Mais c’est sous l’impulsion du décorateur français Stéphane Boudin (1888-1967) qui intègre l’entreprise en 1920 et en devient le Directeur que Maison Jansen devient incontournable dans l’ameublement de luxe. Grâce à son talent, la maison est désormais capable de concevoir des décors entiers. Stéphane Boudin sait mélanger les époques historiques, il intègre l’histoire dans la scénographie des pièces qu’il conçoit et les grands de ce monde louent l’impression « dramatique » de son design. Maison Jansen travaille donc en totale autonomie, puisqu’elle commercialise et distribue ses projets, en plus de la fabrication qu’elle réalise.  

Sous la direction de Stéphane Boudin, Maison Jansen devient le décorateur attitré des familles royales et des grandes figures du milieu mondain (familles royales de Belgique, d’Iran et de Serbie, Duc et Duchesse de Windsor, Elsie de Wolfe, Lady Olive Baillie, Coco Chanel, les Rockefeller, le magnat du pétrole Charles Bierer, etc.).   

Salle à manger du château de Leeds, conçue par Stéphane Boudin, vers 1935. Pour Lady Olive Baillie, propriétaire du magnifique château de Leeds (Leeds Castle) dans le Kent, Stéphane Boudin a refait la décoration de nombreuses pièces. Elle fût la dernière propriétaire du château qui se visite aujourd’hui et dans lequel les pièces décorées par Stéphane Boudin sont restées à l’identique. 

Chambre de Lady Baillie, château de Leeds, pièce aménagée en 1936 par Stéphane Boudin dans le style Régence.  

Yellow Drowing Room, château de Leeds, décoration réalisée par Stéphane Boudin, 1938.

Le Duc et La Duchesse de Windsor dans leur salon parisien conçu par le décorateur Stéphane Boudin, 1964. Crédit photo © Horst P. Horst pour Vogue.

Dans les années 1930, l’atelier parisien de Maison Jansen emploie jusqu’à 700 artisans de haut niveau ! (ébénisterie, tapisserie, laque, dorure, bronze, luminaires). Au fil des ans, l’entreprise embauche parmi les grands designers de l’époque, comme Pierre Delbée ou plus tard Serge Robin. La griffe Maison Jansen ? Un style intemporel, inspiré du meilleur des Arts Décoratifs des périodes passées, associé à une grande qualité d’exécution des pièces de mobilier. L’entreprise excelle dans la recherche du design passé (formes, couleurs et matériaux) qui reste, quelle que soit l’époque, indémodable. Elle représente un chic français avec un certain raffinement dans le mariage des styles. 

Paire d’appliques en métal peint à l'imitation du corail, métal doré et coquillages. Conception : Pierre Delbée pour Maison Jansen, (1950-1965). 
 

Bureau en chêne recouvert de parchemin, design Serge Robin pour Maison Jansen, 1979. Crédit photo Aladin Antiquités.

Parmi les chantiers emblématiques décrochés par Maison Jansen et Stéphane Boudin, figure la rénovation de différentes salles de la Maison Blanche souhaitée par Jackie Kennedy en 1961-1962. Stéphane Boudin supervisera, avec l'autodidacte américain des antiquités Henry Francis du Pont, les travaux de rénovation de la décoration. Ainsi, Boudin commence par s’occuper de la « Red Room ». Il conseille de rembourrer en soie cerise (rouge rosé) les murs de la pièce, proposition validée par la 1ère Dame. Et c’est encore sur ses conseils, que furent choisis pour la Red Room un style Empire américain et des meubles garnis de soie rouge cerise, assortis à la couleur des murs. 

Vue de la Red Room, Maison Blanche, Washington D.C., après la restauration menée par Maison Jansen, 8 mai 1962. Crédit photo © Robert Knudsen, White House, in the John F. Kennedy Presidential Library and Museum.

Stéphane Boudin photographié par Jackie Kennedy dans la salle des traités de la Maison Blanche, années 1960.

Lors de la rénovation des différents salons de la Maison Blanche, Stéphane Boudin impressionne tellement Jackie Kennedy, que cette dernière lui confie la direction artistique complète de la salle verte (Green Room), de la salle du cabinet et du bureau ovale ! D’ailleurs, pour éviter de froisser l’opinion publique américaine avec l’intervention d’un décorateur d’intérieur français, l’administration Kennedy évite soigneusement de mentionner dans un 1er temps le directeur de Maison Jansen... 

La « Blue Room » de la Maison Blanche après sa rénovation supervisée par Stéphane Boudin pour Maison Jansen, photographie prise vers 1963. Pour la Blue Room, la maison Jansen a créé spécialement une maquette de la Chambre Bleue pour indiquer où placer les meubles et d’autres éléments de design.

La « Green Room » de la Maison Blanche, après sa rénovation, photographie prise vers 1963. Stéphane Boudin influença énormément Henry Francis du Pont pour le style du mobilier de la pièce. En 1971, les murs de la pièce seront retapissés avec un tissu moiré vert d'eau, un choix fait par Jackie Kennedy en 1962 sur les conseils de Stéphane Boudin.

Après cette parenthèse dorée des années 60, Maison Jansen poursuit son activité et produit des meubles qui se veulent plus accessibles et que le client peut customiser (« Jansen Collection » de Pierre Deshayes). Néanmoins, la disparition progressive des grandes familles royales et nobles, la diminution des grandes demeures bourgeoises et l’inadaptation à l’évolution des goûts et du design moderne précipitent la fin de l’aventure. En 1989, Maison Jansen ferme ses portes. Aujourd’hui, les collectionneurs s’arrachent à prix d’or certains des plus beaux modèles signés de la célèbre maison parisienne qui fit tant rêver les grands de ce monde... 

François Boutard

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