Le tapis est devenu un incontournable du design. Il habille avec élégance les intérieurs, tous les styles sont permis, du plus classique au plus contemporain. De nombreux designers contemporains expriment leur créativité en dessinant des modèles pour des éditeurs. Chose intéressante, l’art du tissage revient régulièrement sur le devant de la scène avec des expositions qui consacrent ses plus fameux représentants. En 2018, La Tate Modern de Londres consacrait une importante rétrospective à l’artiste textile Anni Albers. Cet article revient sur l’histoire du tapis et de la tapisserie et son évolution au cours du XXième siècle.
On retrouve la trace de la fabrication de tapis dans l’ancienne Mésopotamie et la Turquie, aussi loin que 7.000 et 8.000 avant J.-C., avant sa diffusion en Egypte (laine et coton), puis en Mongolie et en Chine. Le plus ancien tapis qui nous est parvenu, le tapis de Pazyryk, date du Vième siècle av. J.-C., à l’époque de l’Empire perse. Ce sont les tribus nomades de la route de la Soie qui le fabriquaient. Le tapis remplissait alors de multiples usages, servant tour-à-tour de couverture, de matelas, de nappe, ou encore de cloison mobile...
Importé en Europe par les marchands italiens, le tapis connaît un 1er âge d’or au XVIième siècle, où de magnifiques tapis persans tissés en soie et en velours font office de présents diplomatiques dans les grandes cours européennes. En France, Henri IV crée en 1650 La Manufacture de la Savonnerie – intégrée depuis à La Manufacture des Gobelins -, spécialisée dans la fabrication de tapis veloutés pour la Cour de France. C’est aussi à cette époque que les premiers « tapis de pied » apparaissent : alors que le tapis servait jusqu’ici à recouvrir les meubles et à réchauffer les pièces, comme une tapisserie, on s’autorise désormais à le fouler et à s’asseoir dessus.
Les tapis d’orient, symboles de volupté et d’exotisme, sont très prisés au XIXième siècle, avant que la Révolution Industrielle ne vienne bouleverser le tissage. La production européenne de tapis s’industrialise alors avec les machines à tisser. En réaction, William Morris, figure des arts décoratifs et du Mouvement Arts et Crafts, se met à produire ses propres tapis
Désormais produits en grande quantité, les modèles de tapis s’uniformisent, jusqu’à l’explosion de l’Art déco au lendemain de la Première Guerre mondiale qui lui redonne ses lettres de noblesse. Les grands décorateurs de l’époque : Jacques-Émile Ruhlmann, Paul Follot et Paul Poiret notamment, conçoivent des modèles dans leurs ateliers destinés à habiller de grands intérieurs luxueux. À la même époque, la designeuse et architecte irlandaise Eileen Gray, qui a appris à teindre et tisser, réalise ses plus beaux tapis, dont l’emblématique Méditerranée.
Les motifs réalisés sur les tapis dessinés par Eileen Gray traduisent, en 1925, le renouveau du langage artistique et architecturale. Entre un tapis aux motifs fleuris de Paul Follot et les formes géométriques abstraites qui composent Méditerranée, il y a un monde ! Le tapis à dominance bleu imaginé et conçu par Eileen Gray traduit l’évolution du style Art déco vers un style international plus abstrait, porté notamment par les grandes figures de l’École du Bauhaus.
Parmi celles-ci, émerge Anni Albers, née Annelise Fleischmann (1899-1994). Rentrée au Bauhaus de Weimar en 1922, elle deviendra un des rares artistes de la fameuse école avant-gardiste à connaître le succès de son vivant. Elle se forme dans les ateliers de tissage de l’école, et conçoit pour ses tapis et tentures des formes abstraites et résolument géométriques, en phase avec le style radical et épuré théorisé à l’époque. Elle révolutionne le tissage, testant de nouvelles techniques : tissus doubles, triples, mises en relief ; associe diverses matières dans ses compositions, dont le jute, le papier et le cellophane… jusqu’à prendre en 1930, la direction de l’école de tissage du Bauhaus. Active jusqu’à la fin de sa vie, elle élève le textile au rang d’art. Anni Albers est la 1ère artiste textile à avoir eu sa propre exposition personnelle au MoMA de New York.
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Crédit Paris Musées
En France où la tapisserie est un artisanat d’art reconnu depuis des siècles (Tapisserie d’Aubusson, Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie), la fin des années 30 marque un renouveau dans la création textile. Les galeristes et décorateurs encouragent les artistes modernes, les peintres surtout (Jean Lurçat, Raoul Dufy, Marcel Gromaire), à renouveler le médium. Les échanges entre artistes et manufactures s’intensifient largement dans l’après-guerre. Matisse, Picasso ou encore Vasarely conçoivent des œuvres qui sont pensées dès l’origine comme des tapisseries.
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Dans les années 60, la fabrication de tapis évolue avec le mélange des matières synthétiques, comme le Surnyl, et des laines naturelles. Les hippies ramènent de leurs voyages orientaux des kilims, tapis aux motifs géométriques très colorés et au style ethnique affirmé.
Alors que les années suivantes consacrent le tapis oriental, la marque de design d’intérieur Habitat réveille le marché dans les années 80 en sortant une collection de tapis contemporains signée du tandem Elisabeth Garouste et Mattia Bonetti, en association avec le fabricant Sam Laïk. Depuis, le tapis reste un accessoire prisé pour embellir et donner du caractère à son intérieur.
François Boutard