Frank Gehry : L’architecte du chaos contrôlé

Il est considéré comme l’un des plus importants architectes vivants de ce début de XXIe siècle. À 93 ans, l’architecte américano-canadien Frank Gehry continue de fasciner le monde de l’architecture, et plus largement celui du design et des arts avec ses constructions extraordinaires. Comment résumer une carrière qui couvre plus de 6 décennies ? Plutôt que d’égrener un palmarès grandiloquent de réalisations architecturales exceptionnelles, nous avons décidé de parler du style de l’architecte à travers 7 réalisations majeures. Réputé avant tout pour son travail d’architecte, nous démarrons quand même notre sélection avec un mobilier design ! Bonne lecture !

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En 1993, Frank Gehry finalise la construction de l’American Center, un bâtiment qui allait devenir en 2005 la Cinémathèque française (Paris). Construction ou déconstruction ? Les édifices de Frank Gehry ne laissent pas sans réaction.

Frank Gehry est issu d'une famille d'immigrés juifs polonais assez pauvre. Son père quitte les États-Unis et Brooklyn pour tenter une vie meilleure au Canada où il se marie en 1926. Frank Gehry nait en 1929 à Toronto. La famille Gehry retourne aux États-Unis à la fin des années 40 pour s’installer sous le climat plus conciliant de la Californie, à Los Angeles. Encouragé par le céramiste et verrier Glen Williams Lukens, Gehry junior intègre l’École d’architecture de l’University of South California, d’où il sort diplômé en 1954, se classant parmi les meilleurs éléments de sa promotion.

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Frank Gehry, portrait

Il démarre sa carrière à la fin des années 50 et travaille successivement dans différentes agences d’architecture, mais sent qu’il n’est pas à sa place dans le « mainstream » architectural de l’époque. C’est pourquoi il crée en 1962 sa propre agence d’architecture à Los Angeles, toujours active.

Si la carrière de Gehry décolle vers la fin des années 70, en 1972 il réalise une assise à la ligne sinueuse qui devient iconique : la Wiggle Side Chair. Hommage appuyé à la fameuse (insertion lien depuis site design-market) chaise Zig-Zag de Rietveld, elle est faite d’épaisses plaques de carton laminées et est vendue au prix modique de 15 $. Un souhait du designer pour rendre le design accessible. Malgré son succès, il décide de la retirer du marché, car son objectif est avant tout d’être reconnu comme architecte !

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Wriggle Side Chair, design Frank Gehry, 1972. La Wiggle Side Chair fait partie de la série de meubles « Easy Edges ». Les plaques de carton sont disposées à angles droits et collées entre elles. Matériau banal, le carton acquiert une nouvelle dimension esthétique. On remarque déjà le sens de la courbe chez Gehry.

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Wriggle Side Chair, design Frank Gehry, 1972. Détail du dossier. Un meuble à la fois léger et solide. La série de meubles « Easy Edges » est diffusée par l’éditeur suisse Vitra.

En 1978, Frank Gehry réalise un coup d’éclat qui le fait connaître dans la profession. Il achète avec sa femme un bungalow couleur rose et de style colonial hollandais qu’il remodèle intégralement à sa façon. Certains considèrent cette œuvre comme le 1er bâtiment déconstructiviste. Gehry réalise une extension qui est un patchwork de différents matériaux : du métal, des contreplaqués, des clôtures métalliques, de la tôle ondulée et une ossature en bois. Son idée : construire une nouvelle enveloppe autour de la maison d’origine.

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Gerhy Residence, maison de Frank Gerhy à Santa Monica, vue de l’entrée principale, coincée entre des structures angulaires créées en verre, en bois et en aluminium.

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Gerhy Residence, maison de Frank Gerhy à Santa Monica, réalisée en 1978. La maison sera agrandie une seconde fois en 1991 dans une logique moins déconstructiviste et plus harmonieuse.

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Gerhy Residence, maison de Frank Gerhy à Santa Monica, réalisée en 1978. Des parties de la maison se retrouvent coincées dans des cubes de verre inclinés.

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Gerhy Residence, maison de Frank Gerhy à Santa Monica, réalisée en 1978.

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Gerhy Residence, maison de Frank Gerhy à Santa Monica, réalisée en 1978.

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Gehry Residence, maison de Frank Gehry à Santa Monica, réalisée en 1978. Vue de l’intérieur.

Avec sa maison, Frank Gehry pose les bases de son style architectural marqué par la déconstruction. On le rattache ainsi au mouvement du déconstructivisme. En cela, il s’oppose au courant moderniste de l’architecture porté par l’École du Bauhaus et ses plus brillants représentants (Ludwig Mies van der Rohe, Walter Gropius, Marcel Breuer) et Le Corbusier (entre autres) qui devient par la suite le style international. On est aussi à mille lieux du très avant-gardiste mouvement De Stijl.

Qu’on se le dise, Gerhy a horreur de la ligne droite et des lignes géométriques en général. Il refuse aussi le lien entre la fonction et la forme. C’est pourquoi son style iconoclaste dérange et fait polémique.

Frank Gehry est un esprit ouvert qui aime l’art contemporain. La preuve avec la réalisation de 1985 à 1991, des Binoculars Buildings, un ensemble de 3 bâtiments aux styles différents, avec au centre une véritable sculpture en forme de paire de jumelles conçue par les artistes Claes Oldenburg et Coosje van Bruggen.

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Binoculars Buildings, Venice, quartier situé dans l'ouest de la ville de Los Angeles. Architecte : Frank Gehry, 1985-1991. Au centre, on reconnaît la fameuse paire de jumelles : ses oculaires font office de puits de lumière.

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Binoculars Buildings, Venice, quartier situé dans l'ouest de la ville de Los Angeles. Vue du bâtiment central réalisé par les artistes Claes Oldenburg et Coosje van Bruggen. Les jumelles servent d'entrée au complexe pour les voitures et les piétons. Elles sont très caractéristiques de l'esthétique d'Oldenburg appliquée aux objets fonctionnels à grande échelle.

C’est en 1997 avec l’achèvement du Musée Guggenheim de Bilbao (Espagne), que Frank Gehry devient un des architectes les plus influents et reconnus dans le monde entier. Gehry réussit à matérialiser ce qu’il a en tête : un bâtiment aux formes et ondulations organiques, une véritable prouesse architecturale qui pousse au bout la logique de déconstruction. Les formes n’ont pas de raison géométrique et ne sont régies par aucune loi !

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Un bâtiment avant-gardiste, une sculpture à part entière qui s’intègre dans le paysage urbain de la cité Basque. Gehry a marié 3 matériaux principaux : la pierre, le verre et le titane.

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Selon l’architecte : « le caractère aléatoire des courbes est conçu pour capter la lumière ».

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Vue panoramique du musée.

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Le revêtement extérieur de l’édifice est en titane. Au total, ce sont 33.000 fines plaques de titane qui ont été posées et qui changent de couleur selon les variations atmosphériques.

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Des courbes incroyables…

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Vue de l’intérieur, une « cathédrale » de pierre et de verre.

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Musée Guggenheim de Bilbao, architecte : Frank Gehry, 1993-1997. Vue de l’intérieur

Autre exemple du génie créatif et déstructuré de l’architecte : la réalisation de l’hôtel Marquès de Riscal, situé dans la région de la Rioja Alavesa en Espagne. Un endroit unique au design avant-gardiste ancré au milieu des vignes. On y retrouve la « patte » Gerhy : des volumes colossaux, des perspectives uniques entre angles marqués et vagues ondoyantes, et un jeu sur la couleur.

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Vue de l’hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006. Le bâtiment fait partie du nouveau complexe viticole Marqués de Riscal, un groupe d'entreprises espagnol consacré à l'industrie du vin, coincé entre village et vignes.

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Hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006. Les lignes courbes et les volutes du toit rythment l’élégance du bâtiment.

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Hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006, vue de derrière du bâtiment en grès blond naturel qui s’intègre au village d’Elciego. La hauteur du bâtiment, 35 mètres, ne dépasse pas celle du clocher de l'église pour préserver le charme et l’identité du village viticole.

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Hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006, détail du bâtiment. Des « cascades » de titane, un matériau très prisé par l’architecte.

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Hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006, détail du bâtiment. Le titane rose fait référence au vin, le titane doré à la maille des bouteilles, et enfin l'inox finition miroir fait allusion à la capsule recouvrant le goulot de la bouteille.

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Hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006, vue de l’intérieur d’une chambre.

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Hôtel Marquès de Riscal, Elciego, architecture : Frank Gerhy, 2003-2006, vue de la terrasse panoramique du restaurant de l’Hôtel.

1 an plus tard, l’architecte, qui est devenu une superstar, démarre la construction d’un bâtiment non moins étonnant : Le Lou Ruvo Brain Center for Health à Las Vegas (2007-2010). On peut une nouvelle fois parler d’une sculpture architecturale animée par un mouvement, ce qui, du point de vue de l’architecte, exprime un « sentiment ».

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Clinique Lou Ruvo Center for Brain Health, Las Vegas, architecte : Frank O. Gehry, 2007-2010. Une architecture mouvante suggérée par l’impression d’une vague qui déformerait l’enveloppe extérieure du bâtiment.

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Clinique Lou Ruvo Center for Brain Health, Las Vegas, architecte : Frank O. Gehry, 2007-2010. L’édifice comprend 199 fenêtres toutes dissemblables ! L’enveloppe d’acier a été découpée au laser.

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Clinique Lou Ruvo Center for Brain Health, Las Vegas, architecte : Frank O. Gehry, 2007-2010. Vue d’un espace de réception à l’intérieur du bâtiment.

Si Frank Gerhy fait « danser » les édifices qu’il construit - il coréalise la Maison Dansante à Prague en 1996 qui porte bien son nom :-) -, il aime aussi exercer son art dans la verticalité. Ainsi en est-il d’une des dernières grandes « folies » de l’architecte : la Fondation Luma à Arles. Anticonformiste, progressiste comme il aime à se définir, Frank Gerhy et son œuvre laissent rarement indifférent : une empreinte indélébile dans l’histoire de l’architecture contemporaine…

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Fondation artistique Luma, Arles, architecte : Frank Gehry, 2007-2019. Projet pharaonique d’une dizaine d’année, la « Tour » Luma fait 56 m de haut (12 étages), sa façade comprend 11.000 briques en acier inoxydable, dont 53 glass box. On retrouve le style « torsadé » que l’architecte aime imprimer à ses bâtiments.

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Fondation artistique Luma, Arles, architecte : Frank Gehry, 2007-2019. La Fondation s’insère dans le Parc des Ateliers de LUMA Arles. Un lieu de vie artistique qui regroupe des expositions, des conférences, du spectacle vivant, de l’architecture et du design…

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Fondation artistique Luma, Arles, architecte : Frank Gehry, 2007-2019. Au pied de la tour se trouve une rotonde de verre inspirée des arènes d’Arles.

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Fondation artistique Luma, Arles, architecte : Frank Gehry, 2007-2019. La Tour Luma au coucher du soleil : un jeu de reflets. 3 matériaux principaux composent la tour : l’acier, le béton et le verre.

François Boutard

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